Nous ne sommes pas vraiment des étrangers
J’aime bien commencer mes journées sans me demander ce que je vais bien pouvoir faire aujourd’hui. Ça m’agace de me poser une question qui n’a pas vraiment de réponse simple, à perdre du temps à y réfléchir alors que je pourrais simplement commencer quelque chose. Ces derniers temps, ce "quelque chose" a été l’écriture, et j’apprécie vraiment de prendre l’habitude.
Ma mère m’a dit qu’elle aimait bien mes derniers articles, donc ça me suffit pour être content. Son avis compte. J’aime aussi lire vos retours, même si c’est plus rare. Ceci dit, c’est peut-être parce que je lui envoie chaque article et que je m’assure qu’elle les lise. Et si elle ne le fait pas, je les lui lis à voix haute. Comme ça, j’ai toujours son retour.
Je ne vous ai pas vraiment habitués à me lire autant. Je trouve juste que lire et écrire, c’est plus profond, et j’avais besoin d’une connexion plus significative que, disons, des photos. J’adore toujours les photos, ne te méprends pas. Mais sérieusement, c’est quoi ce délire : "Une image vaut mille mots" ? Franchement, une photo d’un beau mec, c’est juste une photo d’un beau mec. Ne prétends pas que ce regard intense est époustouflant, il y en a des milliers du même genre, probablement à l’infini si tu comptes le contenu généré par IA. Les mots, en revanche—une histoire, une expérience personnelle—ça, c’est autre chose.
On parlait de ça hier avec Sami Loft et Alexandre Calvez. J’ai proposé qu’on essaie un nouveau resto qui venait d’ouvrir près de chez moi, et c’était sympa de les voir ensemble. On avait fait un truc du genre il y a un moment après un événement Dyson, mais pas depuis. Je suis plutôt du genre à passer du temps en tête-à-tête avec les gens, parce que je n’ai jamais vraiment réussi à m’intégrer dans un groupe d’amis, donc voir deux amis en même temps, c’était différent, voire un peu intimidant. J’ai l’impression d’être super à l’aise et ouvert avec des inconnus. Je peux aller vers quelqu’un et lancer une conversation. Mais avec des amis avec qui je ne suis pas encore très proche, je suis un peu sur mes gardes. J’ai peur d’être trop ouvert, ou trop bizarre. Enfin bon, je suis un peu un freak parfois.
On était en train de dîner tranquillement, et alors qu’on finissait notre plat principal, j’ai littéralement sorti un jeu de cartes auquel je suis accro en ce moment : Monopoly Deal. Évidemment, Sami et Alexandre étaient un peu surpris. Ils ont sûrement trouvé ça marrant. Honnêtement, je me suis senti un peu gêné socialement. Bref, après avoir expliqué que j’y jouais avec mon cousin juste avant de venir et que j’avais pensé que ce serait fun de l’amener, j’ai commencé à leur expliquer les règles pour qu’ils comprennent un peu ce que c’est, Monopoly Deal. On n’a pas fini par y jouer, mais après que Sami a dit qu’il n’aimait pas vraiment les jeux de cartes, il a mentionné une exception, et évidemment je lui ai fait répéter. Il a dit qu’il n’aimait pas les jeux de cartes, mais qu’il aimait bien celui-là. Je me suis demandé ce qui pouvait être si intéressant. Le jeu dont il parlait, c’était « We’re Not Really Strangers ». C’est plus un jeu de conversation. Il y a quatre catégories de cartes : Niveau 1 (perception), Niveau 2 (connexion), Niveau 3 (réflexion), et des cartes "wild" qui te poussent à faire une action comme "envoie un message à quelqu’un que tu apprécies et dis-lui ce que tu aimes chez lui".
Sami est clairement moins bizarre que moi, donc le jeu de cartes n’est pas sorti magiquement de sa poche. Mais, intrigué, j’ai sorti mon téléphone et j’ai proposé qu’on joue à “We’re Not Really Strangers” avec ChatGPT. J’ai tapé exactement ça, et ça a marché. C’était fascinant. On en est arrivés à des conclusions intéressantes, comme sur la création de contenu aujourd’hui. Alexandre a résumé une de nos discussions : "Avec l’IA, le contenu va devenir polarisé. D’un côté, il y aura du contenu ultra-travaillé, souvent créé avec l’IA, qui fonctionnera bien. De l’autre, du contenu très authentique et personnel, qui marchera aussi. Mais tout ce qu’il y a entre les deux deviendra probablement obsolète."
Sami a fait une remarque intéressante sur la création de contenu : "Les gens ont besoin à la fois de s’identifier à moi et de rêver d’être à ma place. Plus je montre de gros projets, comme refaire tout mon appart, plus les spectateurs ont l’impression de le faire avec moi. Plus j’accomplis des choses, plus ils ont l’impression d’avoir fait la même chose, sauf que moi j’ai passé des jours à décorer et eux ont regardé une vidéo d’une minute. Je pense que leur niveau de dopamine est plus élevé que si je montrais juste un petit truc."
Je n’ai pas tiré de conclusion marquante, mais j’ai quand même ajouté quelque chose à la remarque de Sami : "Les gens grandissent grâce à leurs relations avec les autres. Beaucoup pensent qu’on peut évoluer seul parce que le développement personnel est souvent présenté comme la solution à tout, mais c’est un mythe. On est toujours inspirés par les autres. René Girard et Jean-Michel Oughourlian ont étudié le désir mimétique. On désire ce que les autres désirent, et c’est faux de penser le contraire. Quand on étudie le cerveau, le simple fait de regarder quelqu’un accomplir une action active les mêmes zones cérébrales que quand tu fais l’action toi-même. C’est tout le concept des neurones miroirs. Donc, le niveau de dopamine que ton public atteint quand ils regardent une vidéo de toi en train de faire plein de choses en une minute leur donne l’impression d’avoir tout fait eux-mêmes, juste en beaucoup moins de temps. Peut-être que c’est pour ça que les réseaux sociaux sont si addictifs."
Bien sûr, on a aussi beaucoup parlé de nous pendant le jeu. J’ai raconté comment j’ai commencé à écrire des articles. C’est un peu comme un journal, sauf que je sais que je le partage avec le monde, donc je fais attention à certains détails et j’essaie de rester approprié. Alexandre m’a lancé un défi : "Si tu pars dans cette direction, va à fond. Tu peux toujours changer les noms ou demander à l’IA de le faire, mais le genre d’expériences personnelles que les gens partagent dans les livres ou autres écrits qui marchent, ça va au-delà de ce que la plupart des gens seraient prêts à raconter."
J’ai commencé à réaliser qu’on parlait beaucoup de moi, alors j’ai essayé de recentrer la conversation sur eux. J’ai été un peu traumatisé par le fait d’avoir été traité d’égocentrique par des membres de ma famille, et c’est vrai dans une certaine mesure. J’ai toujours été très concentré sur mes objectifs, donc maintenant je suis constamment sur mes gardes, en essayant de ne pas parler de moi trop longtemps parce que je ne veux pas être agaçant. J’ai donc dit : "Assez parlé de moi, et vous alors, comment ça va ?"
Et toi, comment ça va ces derniers temps ? Si tu es arrivé jusque-là, n’hésite pas à m’envoyer un DM sur Instagram ou à commenter cet article. Dis-moi ce que tu aimerais lire ou sur quoi tu voudrais que je parle la prochaine fois.