Aïe

Je me suis fait très mal.

Je ne sais pas quoi vous dire à part que je me suis complètement détruit mon membre inférieur droit. Trois fractures aux noms improbables mais qui font peur à ceux qui s’y connaissent. Tout le monde me dit tu n’es pas bien malin. Ou tu ne t’es pas loupé ! Et tout le monde m’appelle. Mais bon en fait rien n’a vraiment changé. Je vis comme un handicapé. Je marche sur trois pattes. Ma patte gauche une survivante, et les béquilles. Le moins que l’on puisse dire c’est que c’est sportif ! Je vais me faire les muscles des bras, c’est sympa. 

Vous vous demandez certainement comment j’ai réussi à me faire aussi mal. Écoutez, il y a pas mal de facteurs. Je vais vous en faire part, parce que si vous en avez déjà entendu parler, peut-être que vous allez mieux pouvoir les repérer vous-même, pour éviter de vous broyer une patte au sol.

J’étais fatigué. En général, je m’entraîne le vendredi soir, la semaine derrière moi. Dire que j’étais fatigué en fin de semaine, c’est une chose. Dire que je suis fatigué en fin de semaine, et que je m’entraîne malgré tout entre 22:00 et 24:00, c’est autre chose. Mais j’aime bien me pousser, ne pas trouver d’excuses, quitte à ne pas écouter mon corps. Si c’est vraiment mauvais ou risqué pour la santé, c’est la seule bonne raison de ne pas faire du sport. J’ai pas du tout suivi cette règle d’or. Dommage pour moi, elle m’aurait peut-être évité un arrêt de sport pendant les 3 mois où mes os vont devoir se consolider. Mais bon c’est comme ça.

Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Ok ok ! Je vais y arriver. Après m’être goinfré de saucisses aux lentilles, je suis parti comme d’habitude au gymnase Huyghens assez fatigué pour roupiller dans le métro. Je m’échauffe. Bah oui c’est mieux, ça au moins je le fais. Et ça ne suffit pas pour me protéger de la bêtise que je m’apprête à faire. Ethan, super fier d’avoir réussi à faire un wall flip full-in (je crois que c’est comme ça que ça s’appelle), court vers Thomas pour lui montrer sa réussite. Je suis intrigué, je ne sais même pas ce que c’est comme figure. C’est du parcours et moi je suis gymnaste. Je suis Ethan dans la salle de Judo remplie de tapis bleus assez durs pour que je le fasse remarquer. Je regarde Ethan qui court vers un plan incliné et qui se lance dans un salto arrière en faisant une vrille pour retomber sur ses pattes ! 

Je veux faire pareil. Évidemment. Donc, je cours pour sentir l’appui, je regarde Ethan et je lui dis j’ai envie d’essayer. Il me répond, je peux te parer, ton élan était plutôt bon, ça monte bien. On part ensemble. Il tient mon T-shirt. Et je fais mine de courir, la tête un peu ailleurs mais avec l’intention de bien pousser contre le mur. Et ça pour avoir bien poussé, j’ai bien poussé ! Je me suis propulsé à l’horizontale pour dépasser le tapis de réception prévu pour cet effet, sans qu’Ethan puisse faire quoique ce soit. Comment je suis arrivé sur le sol ? Je ne me rappelle pas trop. Sous le choc, j’étais sonné et j’ai cru m’être complètement pété le genou fragile que je m’étais fait opérer 2 ans plus tôt. Le « crac » produit par le choc était assez inquiétant, mais j’étais un peu dans les vapes et loin de sentir une douleur aigue en restant immobile. Ma cheville n’a pas tardé à enfler. Les entorses à la gym, c’est assez courant pour que la pratique soit de relativiser le coup et de pousser à être mobile quitte à serrer les dents. C’est ce que j’ai fait pour rentrer chez moi en Uber et tomber raide mort sur le lit qui m’attendait. 

Aux urgences le lendemain, j’ai attendu quelques heures pour apprendre que je m’étais fait des fractures aux noms assez barbares. Facture fibulaire tiers sup associée, fracture tri-malléolaire par éversion, fracture maison neuve non déplacée et un hématome bi-malléolaire pour couronner le tout…

Bref.

Je ne vous raconte pas tout ça pour vous inquiéter mais parce que c’est quand on se fait mal que les choses risquent de finir par rentrer. Sauf si tu meures entre temps. Parfois il suffit de connaître quelqu’un qui a fait une assez grosse bêtise pour apprendre que les bêtises ce n’est pas bien. Donc si vous deviez retenir quelque chose de cet épisode ridicule où j’essaye de faire un wall flip et je finis surtout par broyer ma jambe, c’est :

  • Ne pas faire du sport quand on est fatigué.
  • Ne pas se goinfrer de lentilles et saucisses avant un entraînement.
  • Ne pas faire comme Ethan si tu ne sais pas faire comme Ethan.

En ce moment, je reçois beaucoup d’appels. Tout le monde s’inquiète, surtout la famille. J’ai l’impression d’exister un peu plus qu’avant. Mais je n’avais pas forcément envie que la nouvelle fasse le tour. C’était peut-être bien pour impressionner la galerie que je voulais me lancer dans un wall flip, mais spécialement pour qu’on me rappelle la belle bêtise que j’ai faite. Je voulais me prouver que je pouvais autant faire des « tricks » de parcours que des « skills » de gym, mais c’est bien raté. Je crois que ça, c’est peut-être même rentré dans ma tête.

En revanche, en m’appelant, tout le monde est surpris que j’aille bien. À croire qu’avoir une patte enrobée d’une résine, c’est forcément que ça ne va pas. Oui c’est plus difficile de marcher. Oui ça peut faire mal. Mais non ça ne m’empêche pas de me doucher, d’aller bosser, de prendre un bouquin aux urgences ou de monter une vidéo d’une séance de sport. 

S’il y a une chose que je veux que tu retiennes de ça, c’est la vie c’est peut-être de la merde et que tu aurais peut-être pu éviter de te détruire, mais bon c’est comme ça. 

La seule chose que je peux faire c’est : en tirer le meilleur parti. Ça sonne mal en français je trouve… En anglais, ça donne : 

Make the most out of it ! 

Ça claque plus quand-même. Bref, tout ça pour dire, peu importe la merde dans laquelle t’as l’impression d’être, que ça soit ta faute (ou non d’ailleurs), c’est ta responsabilité d’en faire quelque chose.